Les policiers sont les bienvenus à la cité Zéphir

Les policiers sont les bienvenus à la cité Zéphir

G.A.

Comme en témoigne Stéphane Lucien, enfant de Zéphir et vice-président de l'association Ruban noir, la tension est nettement retombée un mois après l'agression de trois policiers dans la cité cayennaise. C'est même à se demander si ce malheureux épisode n'a pas été un « mal pour un bien » ...

Stéphane Lucien, vice-président de l'association Ruban noir, a été très sollicité par les jeunes du quartier, au lendemain de l'agression des policiers dans sa cité (GA)

Guillaume Aubertin

Guillaume Aubertin

Une rue quasi déserte. Trois enfants qui chahutent gentiment sur un vélo, deux jeunes filles qui promènent un bébé dans une poussette... et puis le calme. Voilà à quoi ressemble un surlendemain de Noël à Zéphir. Hier après-midi vers 16 heures, la cité de Cayenne était plongée dans une torpeur digne des jours de Carême. Difficile d'imaginer qu'au même endroit, il y a un peu plus d'un mois, trois policiers étaient pris pour cible par un groupe de jeunes (lire notre édition du 18 novembre). « Ce n'est pas un ghetto ici, pose d'entrée Stéphane Lucien. C'est vrai qu'avant, Zéphir était réputé pour être un quartier chaud, mais c'est fini tout ça. »
Laxisme des parents
Pour ce jeune de 27 ans qui a grandi ici, cette agression a terni l'image de son quartier qui ne « méritait pas ça » . « J'ai entendu beaucoup de choses, dit-il. Mais il ne faut pas croire qu'il n'y a que des voyous, ici. Ce n'est pas vrai. » Il reconnaît que « les jeunes étaient un peu chauds » , ce mardi 16 novembre, lorsque les policiers ont reçu des coups. Et de poursuivre : « L'un d'eux s'est énervé. Il y avait un peu de provocation, mais un policier doit garder son sang-froid, remarque-t-il. Après, c'est sûr qu'on ne tape pas sur les forces de l'ordre. »
Comme le notait à l'époque le commandant Jean Maussan, chef de la sûreté urbaine, « ce genre de prises à partie est extrêmement rare en Guyane » . Stéphane Lucien confirme : « On n'avait jamais vu ça. C'est vrai que c'est plus fréquent en France. D'ailleurs, tout est parti à cause d'un gars qui revenait de métropole et qui a chauffé les autres » , éclaire-t-il. Avec un peu de recul, Stéphane tente d'apporter son explication : « Aujourd'hui, les jeunes de 10-12 ans sont dehors jusqu'à minuit. » Il évoque ainsi le « laxisme de certains parents » . « À mon époque, on était beaucoup plus surveillé, nos parents étaient plus durs. Je pense que si j'avais un petit frère, je ne le laisserais pas sortir comme ça. »
Maison de quartier
Mais pour Stéphane, « le plus gros problème de Zéphir, c'est qu'il n'y a pas de maison de quartier » . Alors, à part « traîner devant le chinois à boire et fumer » , la jeunesse n'a pas grand-chose à faire pour occuper ses journées. Et ça se saurait si l'alcool adoucissait les moeurs : « Quand les jeunes picolent, ils font n'importe quoi » , résume-t-il.
Il y a quelques années encore, un petit local existait pour accueillir la jeunesse du quartier. « C'était pas le top, mais au moins on avait quelque chose. On y a même organisé un mariage » , raconte Stéphane, un peu dépité. Car « la Siguy nous le promet depuis longtemps mais on n'a rien vu » . L'ancien local en question est devenu un parking. « C'est primordial cette maison de quartier, s'enflamme le porte-parole de la jeunesse de Zéphir. Toutes les cités devraient en avoir une. »
La photo avec les policiers
En attendant, Stéphane et ses copains de l'association Ruban noir ne s'ennuient pas. « Vu que le quartier est un peu pauvre en associations les jeunes sont venus nous voir à la suite de la bagarre avec les policiers. » Pour la petite histoire, Ruban noir a été créé en mars dernier. « C'est notre président Jean-Bermann Saint-Victor qui a eu un rêve prémonitoire, et qui est devenu une réalité. Mais à la base, on voulait juste donner des cours de tambour et monter une équipe de futsal. » Pour l'instant, « on est leader du championnat R2 » , précise fièrement Stéphane. « Après les événements, les gens du quartier ont fait appel à nous, et les politiques ont joué le jeu, alors qu'avant, personne n'avait foi en nous. » Du coup, une grande journée d'animation a été organisée il y a dix jours. Tournoi de foot, jeux pour les enfants, concours de dominos, visite des élus, et notamment du maire de Cayenne, gâteaux préparés par les mamans... « On a même eu des sponsors. » Et, point d'orgue de cette grande fête de quartier : « Les grands patrons de la police sont venus nous voir, tranquillement, pour discuter. On n'aurait jamais vu ça, il y a des années. On a même pris des photos avec eux. » Stéphane semble avoir encore un peu de mal à y croire. « Cette histoire d'agression a eu un effet ressort, analyse-t-il aujourd'hui. D'autant que dans la foulée, la mairie nous a enfin mis les lumières au terrain de foot qu'on réclamait depuis l'époque de Lafontaine (l'ancien maire de Cayenne, ndlr). »
Soutien scolaire
Les six membres du bureau de l'association sont désormais très sollicités. « Notre mission n'a jamais été de faire de l'animation, mais maintenant, on veut montrer qu'on peut faire des choses bien dans cette cité. » Comme du soutien scolaire pour « éviter que les jeunes traînent dehors » . « Pour les éducateurs, c'est bon, il ne nous manque qu'un local » , précise le vice-président de Ruban noir. Un match de foot est aussi prévu prochainement entre une équipe de la cité et une de la police. « On en a même qui veulent créer un groupe de supporters pour notre équipe de futsal, glisse Stéphane. Mais on va voir, tempère-t-il, car on ne veut pas que ce soit un groupe de hooligans. »
Guillaume Aubertin
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